13 octobre 2025
A flanc de collines, surplombant la baie des Anges, le vignoble de Bellet tisse une histoire à part dans le paysage des vins français. Imaginez des vignes qui s’agrippent à des terrasses de galets roulés, bercées tantôt par le souffle du Mistral, tantôt par la caresse de la mer Méditerranée. Au cœur de cette mosaïque de terroirs, les cépages blancs autorisés dans l’appellation Bellet sont peu nombreux, certes, mais ils incarnent toute la singularité et la subtilité de ce patchwork niçois.
L’appellation d’origine contrôlée (AOC) Bellet couvre moins de 60 hectares cultivés par une dizaine de domaines seulement (source : INAO). Dans cet écrin préservé, la production de vins blancs reste confidentielle : elle représente environ 20 % de la production totale, soit à peine 20 000 bouteilles par an selon le syndicat des vins de Bellet. Chacun d’eux porte en lui une identité affirmée, un reflet fidèle du sol et du climat local.
L’encépagement de l’AOC Bellet blanc repose sur un choix resserré, dicté par l’histoire, le terroir, et la volonté de valoriser un patrimoine agricole unique. Les textes de l’appellation régissent strictement la base variétale. Voici les principaux cépages blancs inscrits au cahier des charges du Bellet :
Il faut noter que d’autres variétés comme le Muscat ou l’Ugni blanc ne sont pas (ou plus) autorisées pour la production de vins blancs tranquilles sous l’AOC Bellet. L’encépagement actuel résulte d’une adaptation constante, entre protection du patrimoine et respect des exigences qualitatives de l’INAO.
Impossible d’évoquer Bellet sans saluer le Rolle, cépage roi des vins blancs de l’appellation. Planté sur près de 80 % des surfaces de blanc (source : Syndicat des vins de Bellet), il façonne le visage de la production locale.
Un héritage méditerranéen à la personnalité marquée
Le Rolle (appelé Vermentino en Ligurie et en Sardaigne) est cité dès le XVe siècle dans les archives du pays niçois, mais son essor au sein du vignoble de Bellet s’affirme surtout à partir du XXe siècle. Cépage tardif, résistant bien à la sécheresse et aux vents, il s’adapte parfaitement aux conditions climatiques locales.
Les vins issus du Rolle offrent une palette aromatique expressive : fruits à chair blanche (pêche, poire), agrumes, fleurs blanches, parfois une touche anisée ou minérale. On retrouve souvent ces notes en dégustation :
Selon les millésimes, le Rolle peut donner des vins vibrants de vivacité, mais aussi riches par une vinification sur lies ou en barrique (pratiquée par certains domaines comme Château de Bellet ou Domaine de Toasc).
Présent en proportion modérée (environ 10 %), le Chardonnay est autorisé selon des règles strictes : il ne doit pas dépasser 20 % de la cuvée (cahier des charges AOC Bellet, INAO). Les meilleurs producteurs l’utilisent avec parcimonie, en assemblage avec le Rolle, pour ses qualités d’équilibre, de gourmandise et de rondeur. Grâce à ses arômes de fruits jaunes, de noisette, parfois beurrés, il apporte une élégance, sans jamais dominer le terroir.
Cépage autrefois plus répandu sur les balcons niçois, la Clairette survit dans quelques vieilles parcelles, souvent centenaires. Très minoritaire aujourd'hui (<5 % de l'encépagement blanc), elle est le témoin d’une viticulture d’antan. Vinifiée seule ou en très faible complément, elle livre des vins légers, frais, au bouquet de pomme mûre et d’herbes aromatiques locales.
Le décret du 11 septembre 1941, régulièrement mis à jour (dernier arrêté : 2011, INAO), encadre strictement la composition des assemblages. Voici les principales exigences pour le blanc :
Cela témoigne de l’exigence de l’appellation : priorité au Rolle, respect de l’identité méditerranéenne, place réduite aux cépages “internationaux”.
Si le Rolle, le Chardonnay et la Clairette sont choisis parmi tant d’autres, c’est que ces cépages savent capter les multiples facettes du terroir de Bellet :
L’adaptation des cépages à la géologie et au microclimat de Bellet permet d’obtenir des blancs singuliers dans toute la France, dotés d’une remarquable minéralité et d'une fraîcheur préservée, même lors des étés les plus chauds, comme en 2022 (avec une acidité totale de plus de 3,5 g/L constatée sur de nombreux lots sources : domaine Clos Saint Vincent).
Chacune de ces cuvées illustre à sa manière la diversité d’expression que permettent les cépages blancs de Bellet.
Le Bellet blanc demeure un trésor caché, dont la production peine à répondre à la demande des amateurs en quête d’authenticité. Depuis dix ans, on assiste à un regain d’intérêt : de jeunes vignerons réinvestissent le vignoble, de vieilles terrasses sont replantées, et l’accent est mis sur la qualité plus que sur le volume. Le Rolle poursuit son essor, parfois planté en sélection massale, et la Clairette, bien qu’anecdotique, symbolise un certain retour aux sources.
Aujourd’hui, à l’heure où le changement climatique interroge l’avenir des cépages, la résistance du Rolle et la capacité d’adaptation des vignerons niçois laissent entrevoir de beaux millésimes à venir.
Goûter un Bellet blanc, c’est parcourir les paysages escarpés de l’arrière-pays niçois, respirer des parfums de garrigue, caresser d’un regard la mer étincelante tout là-bas. Les cépages autorisés dans l’appellation, Rolle en tête, dynamisés ici par le terroir, signent des vins rares, racés, à la personnalité affirmée. Un plaisir confidentiel, mais jamais élitiste, accessible à tous les curieux du patrimoine viticole. L’aventure ne fait que commencer, entre galets, senteurs et fraîcheur méditerranéenne.
Sources : - INAO (Dossier AOC Bellet, inao.gouv.fr) - Syndicat des Vins de Bellet (vinsdebellet.com) - Fiches techniques des domaines - Guides Bettane & Desseauve, RVF