Braquet : Le Cœur Battant du Vignoble Niçois

29 octobre 2025

L’essence du Braquet : un cépage enraciné entre mer et montagnes

À flanc de collines, là où le bleu azur de la Méditerranée tutoie les sommets alpins, s’épanouit un cépage emblématique, presque confidentiel : le Braquet. Associé à l’AOC Bellet, sur les hauteurs de Nice, cet ancien cépage rouge incarne l’âme indomptable des vins niçois, entre finesse, fraîcheur marine, et racines rurales. Mais quelle est sa véritable place dans l’identité viticole de Nice ?

Un cépage autochtone à l’histoire singulière

Le Braquet, dont la première mention connue remonte à la fin du XVIIIe siècle dans le Comté de Nice (source : INAO), trouve son nom selon certaines hypothèses dans le mot local “braquet”, signifiant une petite branche ou un rameau. Sa présence est attestée sur les coteaux de Nice bien avant l’industrialisation de la Côte d’Azur, alors que la ville n’est encore qu’un gros bourg agricole. Il partage l’affiche avec le cépage Folle Noire, mais se différencie par sa capacité à produire des vins d’une grande délicatesse aromatique.

  • En 1855, le Braquet était majoritaire dans plusieurs vignobles de l’actuelle AOC Bellet (source : Vins du Bellet).
  • Avant l’arrivée du phylloxéra à la fin du XIXe siècle, près de 75% des surfaces plantées dans les collines niçoises étaient attribuées au Braquet et à ses proches cousins (source : Gilbert & Gaillard).
  • Sa résistance relative à la sécheresse l’a rendu particulièrement adapté au climat niçois, mais son faible rendement a freiné son essor face à d’autres variétés plus productives après la crise phylloxérique (INAO).

De la raréfaction à la renaissance

La surface plantée en Braquet a connu un déclin sévère au XXe siècle, victime de l’urbanisation, du repli sur la consommation locale, et de la tentation de cépages plus connus comme le Grenache ou le Cinsault. De fait :

  • Sur les 6500 hectares plantés dans le département en 1870, moins de 50 hectares sont aujourd’hui réservés au vignoble de Bellet en totalité, tous cépages confondus (source : CIVP, 2022).
  • Le Braquet n’occupe qu’entre 15% et 20% de la surface des vignes de Bellet (source : INAO), soit à peine 7 à 10 hectares au maximum en production chaque année — un vignoble digne du secret.

Pourtant, ce cépage, menacé d’extinction, suscite actuellement un regain d’intérêt. Plusieurs vignerons passionnés, comme ceux du Château de Bellet, du Domaine de la Source ou du Clos Saint Vincent, œuvrent à replanter le Braquet, pariant sur son originalité et son authenticité méditerranéenne.

Signature sensorielle : le Braquet en verre et en bouche

Ce qui distingue le Braquet, c’est d’abord son profil olfactif aérien et subtil. À la dégustation, il se démarque radicalement des rouges puissants ou massifs des terroirs voisins, comme ceux du Var ou des Côtes-du-Rhône. Les amateurs le reconnaissent à :

  • Sa robe claire et limpide, tirant vers des reflets grenat pale à violacés, presque rosés dans certains millésimes.
  • Un nez délicat de fleurs sauvages, de pivoine, d’épices douces, parfois relevé de petits fruits rouges acidulés et d’une pointe iodée marine.
  • Une bouche toute en finesse, sans lourdeur, avec une trame tannique légère et une acidité vive qui rappelle la brise marine.
  • Une longueur dominée par le poivre blanc, la griotte, la rose et, parfois, la garrigue ensoleillée.

Le Braquet donne ainsi naissance à des vins rouges et rosés légers, frais, parfaits compagnons de la cuisine niçoise, du pan bagnat aux beignets de fleurs de courgette.

Le Braquet, pilier de l’identité viticole niçoise

La singularité du Brequet tient à son refus du classicisme méditerranéen moderne. À l’heure où l’uniformisation des cépages (Grenache, Syrah, Merlot) tend à gommer les spécificités locales, il incarne la résistance du patrimoine viticole niçois :

  • Un marqueur historique : Le Braquet traverse les siècles et témoigne d’une tradition viticole antérieure à l’AOC, bien ancrée dans la mémoire locale et les livres d’archives (source : Académie du vin de France).
  • Un pilier de l’AOC Bellet : Depuis le décret de 1941 (un des tout premiers vins à obtenir l’AOC — source INAO), la production d’au moins 40% de Braquet ou Folle Noire est obligatoire dans l’élaboration des rouges, souvent en assemblage. Certains vignerons, plus hardis, signent des cuvées 100% Braquet, révélant sa vraie nature.
  • Un étendard identitaire : À l’échelle nationale, le Braquet est quasiment absent loin de Nice, incarnant un terroir et un vignoble unique, presque insulaire, à la croisée des cultures provençales, ligures et alpines.
  • Un enjeu pour la diversité ampélographique : Replanter du Braquet, c’est préserver la biodiversité du vignoble, offrir une alternative aux monocultures et renforcer la singularité des vins du Sud-Est français (source : FranceAgriMer).

Portraits de vignerons et cuvées emblématiques

Les artisans du renouveau du Braquet, dans le Bellet, misent sur des techniques respectueuses, en agriculture biologique ou biodynamique, et cherchent à extraire toute la subtilité aromatique du cépage. Trois cuvées phares à goûter absolument :

  1. Clos Saint Vincent “Le Clos” (issue de vieilles vignes en bio, souvent mono-cépage, vinification douce, élevage peu marqué pour conserver l’empreinte florale et minérale du Braquet ; médaille d’Or au Concours Général Agricole 2022).
  2. Château de Bellet Braquet (expression élégante et précise, élevage partiel en cuve béton pour préserver l’intégrité aromatique ; parfait sur une daube niçoise).
  3. Domaine de la Source Rosé (assemblage majoritaire de Braquet, rosé de presse très pâle, nez de rose, bouche cristalline ; star de l’été niçois).

Certains vignerons, ouverts au dialogue avec le public, partagent leur passion lors de visites et dégustations commentées, offrant ainsi l’occasion unique de goûter le Braquet sur ses terres d'origine (voir vinsdebellet.com pour les adresses).

Défis et horizons : sauvegarder l’unicité du Braquet

  • Urbanisation galopante : Chaque saison, les vignerons défendent coûte que coûte leurs parcelles face à la pression immobilière niçoise — en témoignent les alertes répétées de la SAFER et de la Fédération des AOC du Sud-Est.
  • Changement climatique : Si le Braquet, par sa précocité et sa tolérance à la chaleur, a jusqu’ici su s’adapter, l’augmentation des épisodes de sécheresse reste une préoccupation croissante (source : IFV).
  • Rareté ampélographique : Inscrit sur la liste des cépages rares de France (source : FranceAgriMer, 2023), la survie du Braquet dépend aujourd'hui de la volonté de quelques producteurs visionnaires.

Heureusement, le regain d'intérêt pour les vins d’auteur, singuliers et connectés à leur territoire, favorise la reconnaissance du Braquet, de même que le mouvement en faveur de la préservation de la biodiversité viticole.

Un témoignage vivant du patrimoine niçois

Symbole de résilience, le Braquet incarne à lui seul le goût du terroir niçois, ciselé par la dualité du climat marin et alpin. Goûter un rouge ou un rosé de Braquet dans les collines de Bellet, c’est s’abreuver d’histoire, de paysages, de traditions, et reconnaître la valeur de la différence dans un monde du vin en quête d’authenticité. Son avenir ne se joue pas seulement chez les vignerons : il appartient à chaque amateur de vins d’oser franchir les portes de ce vignoble secret et de donner au Braquet la place qu’il mérite, au cœur de l’identité viticole de Nice.

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