Plongée dans le prisme coloré de Bellet : Entre rouges, blancs et rosés niçois

3 novembre 2025

Un vignoble aux accents rares, entre mer et montagnes

Le paysage de Bellet, suspendu entre les collines niçoises, les lumières de la Méditerranée et les brumes levantines des Alpes du Sud, est à l’image de ses vins : singulier, discret, et pourtant riche d’une diversité inattendue. Ce minuscule vignoble d’une cinquantaine d’hectares – le plus confidentiel des crus de Provence, mais AOC à part entière depuis 1941 – cultive l’art de la nuance, qu’il s’agisse de ses cépages autochtones, de ses traditions ou de la subtile répartition de ses couleurs œnologiques.

La répartition actuelle des vins de Bellet : chiffres et tendances

Dans les verres niçois, la couleur ne se joue pas en noir et blanc mais compose une palette fine où chaque style a sa part. Selon les données des Douanes et de l’INAO, la production de l’appellation Bellet s’est établie ces dernières années (2018-2022) autour de :

  • Rouge : environ 55 % de la production
  • Blanc : environ 33 % de la production
  • Rosé : environ 12 % de la production

Ainsi, contrairement à l’image de la côte d’Azur qui évoque généralement les rosés frais et estivaux, Bellet se distingue par sa prédominance de vins rouges et blancs. Donnée remarquable pour une appellation méridionale : c’est ici l’un des rares crus de PACA où le blanc – souvent à base de Rolle (Vermentino) – représente plus du tiers des volumes, et où le rouge l’emporte nettement sur le rosé. (Source : Douanes françaises, chiffres 2022 consultés via Syndicat des Vins de Bellet)

Pourquoi cette domination des rouges et des blancs ?

Several raisons expliquent cette composition originale dans le paysage viticole du Sud-Est :

  1. Le Terroir de Bellet : Les pentes abruptes, les « poudingues » (sables roulés de galets, typiques du secteur), et l’altitude – entre 200 et 400 mètres – favorisent des maturités modérées, une fraîcheur remarquable, et des arômes délicats. Ce microclimat, au carrefour des influences méditerranéennes et alpines, convient particulièrement à des vins rouges fins et complexes aussi bien qu’aux blancs élégants et racés.
  2. Tradition Historique : La production de Bellet a longtemps été axée sur le rouge, héritée des cépages autochtones tels que le Folle noire (ou Fuella Nera), et des modes de consommation de la bourgeoisie niçoise et piémontaise. Le blanc, avec le Rolle, s’est maintenu grâce à sa qualité et son adéquation à la gastronomie locale.
  3. L’échelle du vignoble : Avec moins de 50 hectares de vignes sur la commune de Nice et un morcellement important, peu d’opportunités ont mené à la vague de rosés « méditerranéens » qu’on observe ailleurs en Provence, d’autant que la demande locale privilégie vins de garde et caractères affirmés.

Focus sur chaque couleur : cépages, styles, typicités

Bellet rouge : la colonne vertébrale de l’appellation

Le vin rouge représente donc la majorité de la production. Son identité s’appuie principalement sur deux cépages uniques :

  • Folle noire (aussi appelée Fuella Nera) : cépage autochtone, il compose parfois l’intégralité de la cuvée ou rentre majoritairement dans l’assemblage. Les rouges en Folle noire livrent des robes grenat profond, des arômes de garrigue, de violette et de petits fruits noirs, parfois soulevés d’épices et de cuir avec le temps.
  • Braquet : cépage historique local, il apporte délicatesse, notes florales et une structure plus légère, souvent en complément.
Quant aux vins rouges de Bellet, ils sont taillés pour la garde (5 à 10 ans, selon les domaines), gagnant avec l’âge des notes de truffe, de sous-bois, parfois de tabac blond ou de cacao. Leur style, subtilement plus septentrional que sudiste, en fait des vins de gastronomie, capables de magnifier les plats méridionaux autant que les cuisines automnales et de chasse.

Le blanc, signature niçoise inattendue

Le blanc occupe une place d’exception à Bellet : avec plus de 30 % de la production, il surpasse la plupart des AOC du Sud en proportion. Son cépage roi :

  • Rolle (ou Vermentino) : typique de la Méditerranée, ici il atteint des sommets d’élégance. Les vins se dévoilent sur des saveurs fraîches d’agrumes, de poire, de fleurs blanches, parfois relevées de touches iodées, minérales et d’une pointe d’amande amère. Ils offrent une vivacité rare sous ce climat et se distinguent par leur capacité à vieillir 3 à 7 ans.
Quelques parcelles rares voient s’exprimer le Chardonnay ou le Clairette, mais toujours en complément ou en essais très encadrés.

Le rosé, une spécialité discrète

Contrairement au reste de la Provence ou plus de 80 % des volumes sont rosés (source : CIVP), à Bellet, le rosé occupe une niche — autour de 10 à 15 % de la production. Il est généralement issu des mêmes cépages que le rouge (Folle noire et Braquet), parfois avec un soupçon de Grenache. Ce sont des rosés tendus, aromatiques, marqués par des notes de fruits rouges frais et d’épices, bien loin des styles ultra-pâles et légers de la grande Provence. Certains rosés de Bellet, plus structurés, peuvent même accompagner avec brio des plats épicés ou d’inspiration exotique.

Évolution récente et enjeux pour l’avenir

La répartition couleur des vins de Bellet n’est pas figée : l’évolution climatique, la recherche de typicité, mais aussi la pression foncière niçoise influencent les styles autant que les chiffres. Quelques tendances :

  • Effet du réchauffement climatique : l’élévation des températures favorise parfois la vinification de blancs sur la fraîcheur, ainsi que l’allongement des maturités pour les rouges, renforçant la complexité aromatique.
  • Valorisation du blanc : face à la mode des vins blancs frais et à la gastronomie méditerranéenne (en particulier la cuisine niçoise, très axée sur le poisson et les légumes), plusieurs domaines font le choix d’augmenter la part du Rolle, parfois au détriment d’un peu de rouge ou de rosé.
  • Nouvelles pratiques œnologiques : des vinifications parcellaires et des mises en valeur de vieux cépages mènent à une exploration de la typicité et donnent naissance à quelques microlots d’exception, tous styles confondus.

Le dynamisme de jeunes vignerons, ainsi que la volonté de préserver l’identité niçoise face à la pression touristique, devraient continuer à façonner ce fragile équilibre couleur dans les années à venir.

À noter, tout de même : la filière Bellet demeure artisanale, avec une dizaine de domaines seulement et autour de 150 000 bouteilles annuelles, toutes couleurs confondues (source : Syndicat des Vins de Bellet).

Un triptyque couleur qui sculpte l’identité de Bellet

Dans ce vignoble niçois suspendu entre mer et montagnes, la proportion des rouges, blancs et rosés n’est jamais un hasard, mais le reflet d’un climat unique, d’une tradition locale forte et d’une volonté farouche de ne pas céder aux sirènes de la monocouleur. Bellet reste ainsi l’un des très rares vignobles du Sud où le blanc affirme sa place au côté de rouges de caractère, pendant que le rosé – si prisé ailleurs – conserve la discrétion des grands connaisseurs.

Ce triptyque coloré, loin d’être figé, continue d’évoluer, modelé par la main des vignerons et les défis méditerranéens. Pour qui souhaite sortir des sentiers battus, découvrir la mosaïque des vins de Bellet est avant tout une invitation à explorer un terroir rare, où chaque couleur dialogue, murmure et raconte, à sa manière, l’âme de la Côte d’Azur.

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